13 juin 2009

15 - Transsubstantiation et De Profundis

De profundis clamavi ad te Domine »
Répète…
« De – pro - pro-… prominé … »
« Non! De – pro - fun- dis
On va le répéter ensemble »

De – de pro – pro fundis - fonnedis Très bien! maintenant on reprend tout » :
« De pro-fun-dis- cla-ma-vi ad te Do-mi-ne. »

C’est maman qui tâche d’apprendre et de faire réciter par cœur à Laurent « son » «
De profundis ». C’est dû pour la fin du mois.
Avec une patience d’ange, elle reprend chacune des syllabes en insistant pour qu’elles soient correctement prononcées.

Laurent, comme les autres qui l’ont précédé, n’y est pas arrivé du premier coup. Par cœur et en latin! Il a onze ans. Il est en cinquième année.

On ne comprenait rien, il n’y avait aucun truc mnémotechnique pour nous aider à le mémoriser, mais c’était non négociable. Il fallait, avant la communion solennelle, savoir son De Profundis par cœur. Pourquoi? Pour pouvoir le réciter comme pénitence à la « confesse »? Parce que…c’était comme ça. Pourquoi en latin?
Toutes les prières dites à l’église devaient l’être dans la langue de Dieu, le latin.

Il y avait eu le « Pater noster » et l’ « Ave Maria » à apprendre ainsi et il aurait le « confiteor » et l’an prochain « le Credo ».

Ce matin-là, avant que je parte pour l’école, Laurent avait réussi avec peine à passer à travers la première partie de la première strophe de ce psaume qui en contient onze.

C’est avec une certaine suffisance teintée d’un peu de sympathie que j’avais été tém
oin du tourment de Laurent. Je comprenais son martyre et j’admirais maman pour sa patience.

Je me rendis à l’école comme à l’habitude avec les compagnons du rang, les filles en avant comme
toujours et nous les gars qui niaisions un peu, en arrière d’elles.

Au pas de course Laurent nous rejoignit. Il craignait d’être en retard.

La rentrée sonnée, le rite s’imposait avec toute sa rigueur. C’était silence quand on prenait les rangs. On pendait son linge sur les crochets et on montait sans se bousculer à l’étage réservé aux grands pour y prendre la place attribuée à l’un des douze bancs doubles qui, en deux rangées, occupaient le deuxième plancher de l’école. Avant de faire la prière, on apportait son cahier de devoir sur le bureau de la maîtresse(*) qui le classait.

La récitation des leçons (Cf. Règlement no 9 - 16 et 17 18)

Après la prière, qu’on faisait debout, les élèves de la cinquième se plaçaient en rang devant le bureau de la maîtresse selon l’ordre de la dernière récitation des leçons. La maîtresse posait les questions selon le programme de leçons à étudier, écrit la veille au tableau noir. En premier venait le catéchisme à raison de deux ou trois numéros par jour, puis les leçons de français (verbes à différents temps… règles d’accord ) les tables de multiplication puis les autres leçons d’histoire ou de géographie.

Lorsqu’un élève hésitait trop à répondre à la question ou, s’il ne donnait pas la bonne réponse, la même question était posée au suivant. Si ce dernier réussissait, il passait devant celui ou celle qui avait manqué. Qui avait réussi à garder la tête toute la semaine était décoré d’une médaille d’honneur épinglée sur son chandail ou sa blouse. La famille valorisait cet exploit en le mentionnant chaque fois qu’il y avait de la visite à la maison. « Y ou « A » s’classe pas pire » « Montre la médaille du premier en leçons »…

À la fin de chaque mois, il y avait aussi des concours écrits sur ce qui avait été vu pendant le mois. Le rang importait plus que le pourcentage obtenu. Les premier et deuxième rangs étaient aussi au tableau d’honneur des visites familiales.(Règlement 16)

La dictée

La récitation des leçons durait jusqu’à la récréation. Après la récréation on faisait la dictée. Quatre dictées en parallèle qui progressaient par bouts de phrases détachées , que chacun, selon son degré, transcrivait dans un cahier brouillon avec un crayon à la mine.

Après la dictée, on complétait les exercices à faire puis, avant de partir pour le diner, les cahiers étaient déposés sur le bureau de la maîtresse qui devait les corriger de même que les devoirs pour les remettre le lendemain. Les fautes et les erreurs étaient signalées au crayon rouge et chacun devait les réécrire correctement au bas des pages. De petites étoiles dorées ou des anges joufflus collés sur le coin gauche de la page en question signalaient les travaux les plus soignés.

La transsubstantiation

Cette année là, nous étions 6 élèves inscrits à la sixième année.

Et ce jour là, nous devions apprendre par cœur les numéros 258
à 262 du chapitre VINGT-DEUXIÈME - De la Sainte Eucharistie. Je pourrais encore réciter tous ces numéros par cœur sans trop me tromper.

J’eus à réciter le no 261. « Comment s’appelle ce changement du
pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ ?» Je répondis comme il se devait : « Ce changement du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ s’appelle la trans –sub-stan-tia-tion .»

Je m’étais appliqué pour bien prononcer chacune des syllabes de ce mot revêche. Puis, chose rare dans le temps, j’osai lever la main pour demander une explication.

« Ça veut dire quoi la trans-sub-stan-tia-tion? » dis-je avec tout le sérieux possible. Les regards se fixèrent alternativement sur moi et sur la maîtresse. On s’attendait à tout, et un petit sourire à la commissure des lèvres annonçait des moqueries à répétition à venir.

Je remarquai que la Simone fut momentanément ébranlée, comme un fonctionnaire à qui on demande un service qui n’est pas dans sa description de tâche. Puis, avec l’assurance d’un pompier, elle se précipita vers la sortie qu’elle avait entrevue.

« Voyons Florian, c’est écrit, la transsubstantiation c’est le changement du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ. » L’arroseur arrosé! (**)

J’avais perdu la face. Elle gagnait! Moi, je restais avec ma question. Plus tard je la reposai à un abbé qui, à tous les quinze jours, venait « faire le catéchisme » à l’école de St-Gabriel de Brandon où j’enseignais. J’obtins une réponse troublée et emberlificotée à laquelle je ne compris rien.

Ce mot, que bien des petits Québécois ont appris par cœur et ont eu de la difficulté à prononcer correctement, sema chez moi un doute qui allait germer en plusieurs points d’interrogation.

Apprendre à lire, à écrire et à compter voilà ce qu’on attendait de l’école du rang. Les maitresses étaient formées dans ce but. Les habitudes et les routines de l’école comme des rouages bien huilés étaient programmés pour donner ces résultats. Les explications, des hors-d’œuvre rares.

Il est certain que mon petit-fils présentement à la fin du cours élémentaire a acquis un bagage de connaissances, une ouverture au monde et au savoir, en tous points supérieurs à ceux que son grand père avait accumulés au même âge. S’en souviendra-t-il à mon âge?

Malgré les carences évidentes de cet enseignement, (aucun cours d’anglais, aucune initiation ni à la musique, ni aux sports, peu d’entraînement à l’écriture, aucune incursion dans le vaste monde de la science…) les élèves diplômés de la petite école qui ont poursuivi leurs études à des paliers supérieurs n’ont pas eu besoin de cours d’appoint avant de se lancer à la conquête des belles lettres ou des sciences ou des hautes mathématiques.

En prime, on avait un bagage de connaissances comme encapsulées dans notre mémoire. Des noms et des dates qui marquaient les repères de l’histoire du Canada, des listes de pays qu’il fallait accoupler avec leur capitale, des énumérations de lacs, de montagnes et de volcans sans leur climat, des noms pour désigner les cris d’animaux rares qu’on ne verrait jamais etc,

Dieu, les anges, les démons, le ciel, la terre, les fins dernières on
t été ainsi encagés, numérotés et définis dans les termes même du « Petit Catéchisme de Québec.

On savait que Dieu était partout (no 12), qu’il avait créé le ciel et la terre (no 29), que les anges et les hommes avaient été créés par Dieu pour l’adorer et le servir (no 34), que nous étions tous coupables du péché originel (no 47), et du péché actuel (no 49), qui, mortel (no 52), peut nous mériter l’enfer.

Le par-cœur était à la mode du temps. Apprendre c’était mémoriser.
Cette méthode d’apprentissage qu’on a souvent décriée, disant avec Montaigne qu’il valait mieux une « tête bien faite qu’une tête bien pleine », a pourtant rapporté de bons dividendes.

En plus de nous entraîner à l’effort et à la persévérance dans l’étude, cette méthode a muni notre intelligence de jalons qui lui permettent encore aujourd’hui de progresser en toute sécurité sur les voies tortueuses de la connaissance ou d’éviter les bourdes les plus grossières lors des conversations de salon.

La connaissance est plus un ressort qu’une accumulation de données, plus un télescope qu’une lumière. plus des questions que des réponses, plus un itinéraire à suivre qu’un bagage de voyage. En accrochant nos capsules mémorisées au carrousel de nos lieux et temps de vie, nous avons mis en réserve des ressorts qui petit à petit sous l’effet d’une baguette magique ou d’une dynamique intérieure perceront leur enveloppe, comme le poussin sa coquille, et ouvriront à nos esprits des univers insoupçonnés.

Plus tard au secondaire, ou chaque fois qu’on abordait des sciences nouvelles, avec de nouveaux manuels, j’avais une grande soif de connaître et un immense plaisir à explorer des mondes dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Souvent, à aller trop vite, à partir trop tôt dans la course à la connaissance on met sous le boisseau « l’unicum necessarium » l’étincelle de l’émerveillement qui peut allumer beaucoup de bougies et éclairer toute la montagne.

Il y a un temps pour engranger et un temps pour manger, dit le prophète.
Notre petite école du rang St-Alexandre se situe dans le temps des difficiles mais combien féconds engrangements.

Retenues et punitions corporelles

Les retenues après l’école étaient assez fréquentes mais ne duraient pas trop longtemps. Il ne fallait pas pénaliser les parents en exemptant l’enfant du train à faire à la maison.
Quant aux punitions corporelles, rares, beaucoup plus rares, c’était des coups de règle de bois franc dans la main ouverte. J’ai connu cette punition une fois. (Règlement 11)

C’était le printemps. Le soleil avait dégagé les piquets de clôture de leur neige. Après le diner on s’était amusé comme il arrivait souvent dans la grange chez Jean-Baptiste. Julien, plus jeune que moi, était un vrai casse-cou. Il posait ses pieds sur les fourchons recourbés de la grand-fourche et demandait qu’on le fasse grimper jusqu’à la "track" pour qu’il prenne son envolée au-dessus de la tasserie comme une fourchée de foin. Pour cela, il fallait qu’on saute à deux de la tasserie en tenant le câble de la grand-fourche. Après bien des essais on a réussi une fois. Dans son cas comme dans le nôtre, tomber du haut de la tasserie aurait pu être grave. Innocence de la bravoure enfantine!

Le temps passait sans qu’on s’en aperçoive. On était cinq ou six, tous des plus jeunes que moi. Et après l’exploit, au lieu de nous rendre à l’école par la route nous y sommes allés par les champs, sur la croûte, en sautant les piquets de clôture. De sorte que nous sommes arrivés à l’école à deux heures, donc avec une demi-heure de retard.
Nous avons tous écopé d’une retenue après la classe et comme j’étais le plus vieux je devais prendre en sus deux coups de règle, devant les autres. Au premier coup je retins mes larmes. Puis je reçus de mes jeunes collègues, sur les ondes du regard, le signal que je devais faire face. Je réussis au deuxième coup à retenir la règle dans ma main. Stupéfaction de la maîtresse. Une hésitation, finalement elle juge qu'il vaut mieux déserter le champ de bataille ouvert par ma crânerie tout en sauvant les honneurs. « Ne recommence pas parce que la prochaine fois ce sera dix coups. », dit-elle, péremptoire.

Je venais de risquer un danger qui aurait pu avoir des conséquences plus graves que celles de dégringoler de la tasserie. Ce fut la seule punition corporelle que je reçus pendant tout mon séjour à la p’tite école.

Les manuels scolaires

À l’exception du « petit catéchisme » imposé par les évêques, je ne sais qui, dans les années 40, avait la responsabilité du choix des manuels scolaires. Étaient-ils les mêmes pour tout le Québec ou si le choix était laissé aux commissions scolaires paroissiales? En 1944, la loi de la gratuité des manuels scolaires viendra consolider une certaine homogénéité qui s’était établie dans ce domaine mais je ne serai plus là.

À part le « Petit catéchisme » je n’ai à ma disposition aucun des manuels en usage à la petite école du rang dans les années 40. Mes frères et sœurs à ce que je sache, n’en n’ont pas gardé non plus. Quels iconoclastes! Mes souvenirs sont les seules références disponibles pour passer ces manuels en revue.
Le « P’tit catéchisme »

En tête de tous les manuels, celui qui nous accompagnait pendant tout le cours primaire et dont on devait savoir au bout de ses doigts chacun des 508 numéros de questions et réponses, c’était évidemment le « Petit catéchisme de Québec » qui s’intitulait en fait « Le CATÉCHISME des provinces ecclésiastiques de Québec, Montréal et Ottawa. Il avait été approuvé par les Archevêques et Évêques de ces provinces et publié par leur ordre. L’édition officielle conforme aux récentes modifications du droit canonique avait été publiée à Québec en 1934 et se vendait 15 sous.

C’était un très bon exercice pour la mémoire. Un entraînement quotidien de levée de poids et haltères. La compréhension importait peu, pas plus que pour les prières en latin. Il fallait surtout soigner la précision du mot-à-mot. Pas tellement difficile puisque souvent la réponse tenait dans la question.

Il est un peu étonnant que pendant des siècles on ait utilisé ce moyen pour éduquer la foi des chrétiens. C’est comme si le salut tenait dans la conformité, le don de Dieu se réduisait à son emballage. Comme si l’énumération des composantes physiques de l’eau pouvait étancher la soif. Bizarre ces deux siècles qui ont précédé 1960!

En huitième année, quelle fierté! Et quelle supériorité au-dessus de la mêlée, j’avais comme manuel de religion l’Apologétique chrétienne de Mgr Cauly. Je l’ai peu fréquenté. Ce devait être nouveau et inconnu pour mon institutrice. Ce manuel, m'habillait en soldat, défenseur de la foi et pourfendeur des hérésies!

L’histoire sainte (***)


C’est le manuel que j’aimais le mieux. Des images à l'encre noire toutes vibrantes de l'énergie des drames "saints" rapportés. Film d’horreur qu’on pouvait dérouler à volonté avec la bénédiction du ciel.

Un ange, armé d’une épée de feu, chasse nos premiers parents du paradis terrestre. La punition, cause et départ de notre exil sur terre.!

L’œil de Dieu qui poursuit Caïn au fond de ses cavernes. Quelle angoisse pour la conscience! Quelle police secrète, pire que le Big Brother!

Et l’image de tous ces impies se noyant de désespérance accrochés aux parois de l’Arche de Noé qui vogue
allègrement sur le déluge! Tous les cataclysmes de l’univers sont à la commande de Dieu!

Jacob qui, avec la complicité de sa mère Rébecca, arrache de son père Isaac aveugle, le droit d’aînesse réservé à son frère Esaü en couvrant ses avant-bras d’une peau de chevreau. Quel beau scénario de film « pour toute la famille »!

La myst
érieuse bataille au bout d’une échelle entre Jacob et l’ange qui explique sa claudication!

Les fils de Jacob qui par jalousie vendent leur frère Joseph à des marchands et laissent croire à leur père qu’il est mort.






Et Job sur son tas de fumier!



Et la pire image, celle qui m’empêchait de dormir, deux ours qui dévorent les
enfants qui s’étaient moqués du prophète Élisée.

Dans le Nouveau Testament, les cris stridents des mères éplorées et des enfants qu’on égorge au matin de la charman
te nuit de Noël sous les étoiles avec les bergers …y a-t-il contraste plus saisissant?...

Et que dire du sang qui coule à flots à chaque tournant de la passion de Jésus?

L’histoire sainte, un livre vibrant d’images fortes qui peut-être était ainsi ordonné pour asseoir l’autorité de Dieu et assurer par la peur, la soumission à ses volontés et à toute autorité. Peut-être le plus efficace des manuels scolaires. En tout cas celui qui est demeuré le plus longtemps au palmarès de mes souvenirs d’enfance.

Le livre de lecture (3e et 4e année)

Parmi les récits qu’il contenait, le seul retenu est celui des enfants qui, invités à manger des pommes dans le jardin d’un voisin, les passait sous la clôture pour les retrouver à leur sortie. Et la morale, non détachable du récit : « Il est avisé de faire des sacrifices ici-bas pour se gagner des points (mérites) qui permettront de s’acheter du confort au ciel. Le but de l’existence (le ciel) était alors servi à toutes les sauces qui épiçaient notre nourriture culturelle.

L’Histoire du Canada par les Clercs de St-Viateur

En page couverture, ce manuel montrait un Jacques Cartier en jupette devant la croix qu’il venait de planter à Gaspé. Des Indiens (Amérindiens) tout nus, agenouillés à ses pieds lui offrent des présents. Le manuel nous présentait aussi avec emphase et au mépris de l’histoire, les vedettes des matchs qui avaient alors cours entre Indiens (Iroquois) et Français et plus tard entre les Français et les Anglais :

Madeleine de Verchères qui tire plus vite que son ombre, et sauve la colonie, Dollard-des-Ormeaux qui tire mal son panier de poudre et la perd, Frontenac qui répond aux vilains Anglais « par la bouche de ses canons ».

Quelques scènes d’horreur aussi : les cruels Iroquois qui arrachent et dévorent le cœur des Saints Martyrs Canadiens, les pères Brébeuf et Lallemand et probablement aussi celui du jeune et tendre René Goupil; les toits de chaume du village de Lachine enflammés par les toujours cruels Iroquois etc….

De bons exercices aussi pour la mémoire et la prononciation : En plus des dates à accrocher aux bonnes batailles, il fallait énumérer les forts : Ticondéroga, Michillimakinac, Oswego, et savoir qui avait emporté chacune des manches de ces escarmouches.

La grammaire

Peu de souvenirs si ce n’est les conjugaisons des verbes irréguliers, le subjonctif imparfait, et la règle d’accord du participe passé employé avec l’auxiliaire avoir qui faisait la pluie et le beau temps selon que le commandant (complément direct) était placé avant ou après le verbe.

L’arithmétique

Le manuel d’arithmétique, en plus des tables d’addition et de multiplication, contenait des pages d’exercices de plus en plus complexes sur les quatre opérations en nombres entiers et en fractions décimales ou ordinaires et quelques problèmes dont il fallait trouver la réponse sans trop s’occuper de la manière d’y arriver.

Mais le souvenir le plus marquant de toute cette arithmétique c’est le calcul mental que mon père me forçait à faire devant la visite et spécialement devant la maîtresse qui venait parfois chez nous. Fier de moi, il voulait montrer combien j’étais fort en calcul et peut-être aussi qu’il était plus rapide que moi. Et sous cape, je devine qu’il décelait avec un malicieux plaisir le malaise de l’institutrice. Éternel complexe d’infériorité des femmes devant les mathématiques!

Ces exercices me causaient un léger traumatisme qui me bloque encore de temps en temps. Comme l’âne non branché entre deux tas de foins à égale distance, j’étais hésitant entre la vitesse et l’exactitude de la réponse à donner. Aujourd’hui encore, chaque fois qu’il y a un calcul mental à faire je revis ces angoisses. Vive la calculatrice.

Le manuel de géographie

Je garde l’image au verso de la page couverture de deux mappemondes réunies par une ligne.
Ce manuel avec cartes à l’appui, découpait le monde en cinq continents divisés en pays sur lesquels il fallait accrocher la bonne capitale.

On y voyait aussi en profil, l’illustration des quatre races d’humains qui, croyait-on alors, habitaient la terre.

Il m’a appris à distinguer les îles des presqu’îles, les isthmes des détroits à nommer : le Gibraltar, le Bosphore et les Dardanelles, et que le détroit de Magellan, où personne n’irait probablement jamais, était situé au nord de la terre de feu, au sud du Sud de l’Amérique du Sud.
Personne ne pouvait alors soupçonner que quelques années plus tard, au moins deux membres de notre famille et probablement plusieurs élèves de l’école du rang St-Alexandre, traverseraient le détroit de Magellan, celui de Gibraltar, qu’ils iraient en Arctique et en Antarctique, au Kurdistan et en Égypte et que Gisèle chasserait en photos les lions d’Afrique, au Cap Bonne Espérance, et que plusieurs marcheraient sur la muraille de Chine.

C’est dire que le monde appris était plus vaste et bien au-delà de nos rêves de voyage les plus osés.

Manuel d’Hygiène, de Bienséance et de Civisme

Plusieurs sources consultées me disent que ce manuel faisait partie de la liste de nos manuels scolaires. Je ne me souviens pas de l’avoir jamais ouvert. J’aurais été un peu embêté de dire la différence entre bienséance et civisme.

Bilan
Si j’ai des souvenirs plutôt négatifs de la parcimonie des conditions et des moyens affectés à l’organisation de l’école du rang St-Alexandre, mon jugement sur les résultats obtenus est plutôt positif.


La liste des anciens élèves de cette école serait à dresser. Je suis assuré que, malgré une ambiance générale plus ou moins favorable aux études, la proportion de celles et de ceux qui ont fait des études supérieures y est remarquablement élevée.

L’école de mes souvenirs était une ruche plutôt silencieuse, mais où l’on travaillait sans relâche. Apprendre, c’était faire plus qu’écouter. Faire ses devoirs, faire la dictée, réciter ses leçons, corriger ses erreurs, s’appliquer à bien écrire et à bien se tenir. Ce travail scolaire était constant, très discipliné et les mesures d’évaluation et de correction étaient ponctuelles et efficaces.

L’émulation dans le souci de faire mieux et plus était entretenue par des moyens fort simples et soutenue par l’attention de tous les habitants du rang. Les exploits scolaires, hebdomadaires et mensuels des écoliers du rang faisaient la chronique sportive d’une tradition orale qui se répercutait dans le temps, dans les commérages et dans les mémoires.

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(*) L'expression "maîtresse" pour désigner l'.institutrice éait utilisée couramment dans le langage oral. Tous les textes officiels (cf, Règlements pour la régie des Écoles de la paroisse de St-Zéphirin, le 9 septembre 1871) utilisent l'expression "institutrice". Quand je rappelle mes souvenirs j'emploie consciemment le terme "maîtresse" pour désigner mes institutrices.

(**) Il y avait aussi une édition du Catéchisme de Québec qu'on appelait le catéchisme expliqué. Au no 262, comme explication de la transsubstantiation on peut lire: "Le mot transsubstantiation veut dire changement d'une substance en une autre substance. " p. 136.

Très clair n'est-ce pas? Simone avait raison! Quant à faire, on aurait pu aussi indiquer la distinciton que fait Aristote entre l'essence (la substance) et les accidents!

(***) Les images tirées du manuel d'Hisoire sainte viennent de la copie que ma soeur Carmen a réussi à sauver de la débâcle. Pour d'autres images un clic ici.

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Suite: 16 - La distribution des prix

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