Information: Depuis quelque temps, Mémoires à l'Ultraviolet retient les services de 2 nouveaux collaborateurs. Je vous les présente :
Lionel Pelchat qui révise à la loupe les textes de Florian y ajoutant les virgules oubliées, questionnant les expressions douteuses et appliquant les subtilités de la langue française. Lionel demeure très ouvert à ce que vous lui signaliez des perles qui n'auraient pas attiré son attention. Courriel : aureposdhelio@tlb.sympatico.ca
Si vous voulez en savoir plus qui est notre correcteur-réviseur, vous n'avez qu'à vous procurer "Lionel...une vie" (ISBN 978-2-9810898-0-9) en vente dans les librairies Renaud-Bray de Montréal et de Saint-Jérôme. Lionel... une vie
Maurice Nadeau grand collectionneur de dictionnaires. Maurice se fait un plaisir de fouiller dans l'un ou l'autre de ses 1300 dictionnaires afin de retracer les expressions colorées de Flo. En cliquant sur les mots suivants, vous pourrez en avoir quelques exemples.
Pedleur Catherine
Maurice a également publié un dictionnaire humoristique que vous pourrez obtenir en vous adressant directement à l'auteur : maurinade@videotron.ca
Un gros merci à ces 2 nouveaux collaborateurs qui se joignent à l'équipe des Nault, Ducharme et Jutras. CJ
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19 - Robinson pour un autre monde
Nous sommes trois ou quatre assis à nous faire sécher en arrière du poêle. On est plutôt silencieux pour ne pas attirer l’attention. Et pour cause. Nous sommes mouillés jusqu’aux cheveux ! Paul-Émile claque des dents.
C’était le printemps, à la fonte des neiges. À la limite est de notre terre, il y avait une assez grosse décharge. C’est là que, plus jeune, j’avais fait mes premières observations des sciences de la nature. J’avais remarqué en effet qu’il y avait beaucoup de cailloux de différentes couleurs, juste avant que la décharge ne traverse le rang St-Alexandre à l’intérieur de sa calvette (ponceau). L’observation faite, la théorie suit. _ Aristote aurait pu être fier de moi. J’avais en effet observé le même phénomène en d’autres endroits où il y avait de l’eau courante. Ça ne faisait pas de doute, les cailloux poussaient dans l’eau! Mais ma théorie suscitait des sarcasmes. Si je demandais des explications, je déclenchais des rires au carré. Ou des réponses du genre « Niaiseux, des roches¸ ça ne pousse pas ». Sens commun versus la pure logique. Le ridicule est peut-être à l’occasion un bon éducateur, mais j’aurais aimé mieux qu’on m’explique les différents règnes de la nature. Je devrai attendre jusqu’en 9e année dans un cours de vacances pour apprendre ces différences.
Revenons à notre fâcheuse position à nous faire sécher derrière le poêle comme des canards mouillés. Comment diable en étions-nous arrivés à cette extrémité? Il faut revenir à la décharge.
Au printemps, l’eau montait sous la neige. Elle y voyageait comme sous une galerie. Revenant de l’école, je vois Laurent et Berchmans s’amuser à défoncer cette galerie d’un ferme coup de talon, dégageant ainsi de gros morceaux de neige qui se laissent paresseusement emporter par le courant. Je me joins à leur jeu. Quand un bloc se détache, on part aussitôt voir de l’autre côté de la route comment il a traversé le souterrain. Paul-Émile, peut-être treize ans, se joint à nous. Moi j’en ai dix ou onze, Laurent neuf et Berchmans huit. Ces suites de blocs génèrent des chaînes d’images qui, à leur tour, éclatent en un feu d’artifice d’idées plus ou moins cohérentes. L’idée atterrit vite en action chez un enfant.
Comment de l’image fugitive de blocs de neige voguant nonchalamment sur les eaux glacées du printemps, en arrive-t-on au tableau(*) de quatre petits gars voguant sur ces mêmes eaux dans l’auge-bassin qui servait à ébouillanter le cochon avant le rasage?
C’était le printemps, à la fonte des neiges. À la limite est de notre terre, il y avait une assez grosse décharge. C’est là que, plus jeune, j’avais fait mes premières observations des sciences de la nature. J’avais remarqué en effet qu’il y avait beaucoup de cailloux de différentes couleurs, juste avant que la décharge ne traverse le rang St-Alexandre à l’intérieur de sa calvette (ponceau). L’observation faite, la théorie suit. _ Aristote aurait pu être fier de moi. J’avais en effet observé le même phénomène en d’autres endroits où il y avait de l’eau courante. Ça ne faisait pas de doute, les cailloux poussaient dans l’eau! Mais ma théorie suscitait des sarcasmes. Si je demandais des explications, je déclenchais des rires au carré. Ou des réponses du genre « Niaiseux, des roches¸ ça ne pousse pas ». Sens commun versus la pure logique. Le ridicule est peut-être à l’occasion un bon éducateur, mais j’aurais aimé mieux qu’on m’explique les différents règnes de la nature. Je devrai attendre jusqu’en 9e année dans un cours de vacances pour apprendre ces différences.
Revenons à notre fâcheuse position à nous faire sécher derrière le poêle comme des canards mouillés. Comment diable en étions-nous arrivés à cette extrémité? Il faut revenir à la décharge.
Au printemps, l’eau montait sous la neige. Elle y voyageait comme sous une galerie. Revenant de l’école, je vois Laurent et Berchmans s’amuser à défoncer cette galerie d’un ferme coup de talon, dégageant ainsi de gros morceaux de neige qui se laissent paresseusement emporter par le courant. Je me joins à leur jeu. Quand un bloc se détache, on part aussitôt voir de l’autre côté de la route comment il a traversé le souterrain. Paul-Émile, peut-être treize ans, se joint à nous. Moi j’en ai dix ou onze, Laurent neuf et Berchmans huit. Ces suites de blocs génèrent des chaînes d’images qui, à leur tour, éclatent en un feu d’artifice d’idées plus ou moins cohérentes. L’idée atterrit vite en action chez un enfant.
Comment de l’image fugitive de blocs de neige voguant nonchalamment sur les eaux glacées du printemps, en arrive-t-on au tableau(*) de quatre petits gars voguant sur ces mêmes eaux dans l’auge-bassin qui servait à ébouillanter le cochon avant le rasage?
Il faudrait plus d’un Sherlock Holmes pour suivre cette piste au pas à pas.
Imaginez. Il fallait d’abord associer cette auge à une embarcation, ce qui n’est pas évident. Puis se souvenir de l’endroit où elle avait été remisée, la sortir de la grange, la faire glisser sur la neige molle du printemps dans laquelle on enfonçait profondément, trouver et emporter les planches qui devaient servir de rame, placer notre embarcation en position favorable pour qu’on puisse y monter.
L’idée émise, l’action suivit immédiatement avec la rapidité de l’éclair. Nous voici en voie de monter à bord. Malgré l’instabilité de cette barque en trapèze, on réussit tous les quatre à y monter.
Le capitaine n’étant pas désigné d’office, il y eut un genre de mutinerie à bord. On se dispute les postes à l’avant et à l’arrière de notre bâtiment. Il faut aussi se détacher de la rive. La largeur du canal, site de nos exploits nautiques : entre six et huit pieds. La profondeur à ce temps de l’année : de 4 à 5 pieds. Vous voyez venir la catastrophe.
Imaginez. Il fallait d’abord associer cette auge à une embarcation, ce qui n’est pas évident. Puis se souvenir de l’endroit où elle avait été remisée, la sortir de la grange, la faire glisser sur la neige molle du printemps dans laquelle on enfonçait profondément, trouver et emporter les planches qui devaient servir de rame, placer notre embarcation en position favorable pour qu’on puisse y monter.
L’idée émise, l’action suivit immédiatement avec la rapidité de l’éclair. Nous voici en voie de monter à bord. Malgré l’instabilité de cette barque en trapèze, on réussit tous les quatre à y monter.
Le capitaine n’étant pas désigné d’office, il y eut un genre de mutinerie à bord. On se dispute les postes à l’avant et à l’arrière de notre bâtiment. Il faut aussi se détacher de la rive. La largeur du canal, site de nos exploits nautiques : entre six et huit pieds. La profondeur à ce temps de l’année : de 4 à 5 pieds. Vous voyez venir la catastrophe.
Laurent et Paul-Émile se penchent à bâbord pour laisser passer Berchmans qui veut naviguer à la proue. Avant que j’aie eu l’idée de vouloir corriger en faisant contrepoids, le navire chavire en emportant à l’eau tous ses passagers. Je réussis le premier à me hisser hors de l’eau. Berchmans, plus petit, prend un bouillon, il coule. Je lui tends ma rame-planche, il s’agrippe. Ouf! sauvé. (*) Illustration
Laurent et Paul-Émile, de l’eau jusqu’aux épaules, s’agrippent désespérément à la bordure de neige qui menace de céder à tout moment. Je les aide comme je peux à se sortir de l’eau.
Laurent et Paul-Émile, de l’eau jusqu’aux épaules, s’agrippent désespérément à la bordure de neige qui menace de céder à tout moment. Je les aide comme je peux à se sortir de l’eau.
À mon souvenir, personne n’a pleuré. Finies aussi les chicanes d’investiture. Hébétés, on est conscient du danger qu’on a frôlé. On grelotte tous. Mais il y a plus grave. On nous avait plusieurs fois prévenus du danger de marcher sur la neige en bordure des ruisseaux au printemps. Nous étions en flagrant délit de désobéissance civile. Il fallait cacher notre forfait.
Dans un effort de collaboration exemplaire, notre auge-chaloupe est rapidement reconduite à sa cale-sèche et nos rames remisées. Et nous développons une stratégie pour ne pas attirer l’attention.
Après s’être secoué le plus possible, chacun entrerait avec une brassée de bois dans les mains, à un intervalle pas trop rapproché. Mine de rien, on placerait le bois dans le cabanon. On enlèverait notre makinaw et notre « casse » (pour ‘casque’; on ne connaissait pas le mot casquette) et on irait s’asseoir derrière le poêle, faisant semblant de nous y amuser, comme il nous arrivait souvent de le faire. Et si on nous questionne sur notre linge mouillé, la version toute simple et naturelle : on est tombés en courant dans une rigole et il y avait de l’eau en-dessous de la neige.
Heureusement, nous n’avons pas eu à servir cette couleuvre à personne. Après un amusement en porte-à-faux derrière le poêle, tranquillement, mine de rien, on est montés dans notre chambre pour nous changer. Personne ne s’est rendu compte de rien.
C’est la première fois que je raconte cette histoire.
Je frémis encore aujourd’hui, à l’idée de ce qui aurait pu arriver.
À ce moment-là, nous étions plus heureux d’avoir échappé à la remontrance qu’à la noyade.
Dans un effort de collaboration exemplaire, notre auge-chaloupe est rapidement reconduite à sa cale-sèche et nos rames remisées. Et nous développons une stratégie pour ne pas attirer l’attention.
Après s’être secoué le plus possible, chacun entrerait avec une brassée de bois dans les mains, à un intervalle pas trop rapproché. Mine de rien, on placerait le bois dans le cabanon. On enlèverait notre makinaw et notre « casse » (pour ‘casque’; on ne connaissait pas le mot casquette) et on irait s’asseoir derrière le poêle, faisant semblant de nous y amuser, comme il nous arrivait souvent de le faire. Et si on nous questionne sur notre linge mouillé, la version toute simple et naturelle : on est tombés en courant dans une rigole et il y avait de l’eau en-dessous de la neige.
Heureusement, nous n’avons pas eu à servir cette couleuvre à personne. Après un amusement en porte-à-faux derrière le poêle, tranquillement, mine de rien, on est montés dans notre chambre pour nous changer. Personne ne s’est rendu compte de rien.
C’est la première fois que je raconte cette histoire.
Je frémis encore aujourd’hui, à l’idée de ce qui aurait pu arriver.
À ce moment-là, nous étions plus heureux d’avoir échappé à la remontrance qu’à la noyade.
L’innocence a un nom et dans le temps, elle avait aussi une Providence.
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(*) Illustration de Guylaine Saucier Cf. Galerie "Au Ptit Bonheur" p. 4 et 5
Suite : 20 - Autonomie et délinquance
L'autre jour tu me demandais si j'approuvais ce que tu écrivais sur le blogue, bien sûr et je te remercie de me faire une publlicité gratuite, c'est avec plaisir que je collaborrerai avec vous. Si je peux être utile faites-moi signe et je serai disponible.
RépondreSupprimerPetite remarque en passant, dans mon coin de pays (bas du fleuve) on utilisait aussi le mot calvette.
Suite à des recherches voici ce qu'on en dit : Fossé ou rigole et aussi ponceau. L'étymologie du mot serait une déformation du mot anglais culvert qui serait une traduction du mot : aqueduc ou conduit souterrain.
On dit que certains disaient aussi : carvette.
Autre remarque dans le Dictionnaire du parler français au Canada de Louis-Alexandre Belisle on écrit le mot : mackinaw avec un c avant le k.
Je suis toujours disponiible pour des recherches, faut bien que ces dictionnaires qui dorment au sous-sol servent de temps à autre.
Où j'apprends que j'aurais pu ne jamais avoir un prof de Syntaxe capable de réussir à me faire aimer le latin...
RépondreSupprimerTon arrêt sur image au mot 'casse' me fait penser à l'expression « J'en ai plein le casse! », encore bien vivante! Et je ne vois pas comment on pourrait lui substituer un autre mot sans en compromettre le sens...
P.S. - Pour tes lecteurs moins 'proches', il serait intéressant de savoir comment tes deux nouveaux collaborateurs te sont apparentés...
Merci de ton témoignage, Il ajoute au capital de plaisir que j'ai accumulé pendant ces années, à Chetsey, à domestiquer le latin et les paysages.
RépondreSupprimerLionel Pelchat est un ami, ancien frère du Sacré-Coeur (Granby) avec qui j'ai passé trois mémorables années d'étude à Rome. C'est un polyglotte reconnu et aussi une bonne police de la langue française. .Globe-trotteur, il a parcouru notre monde, surtout l'Europe et l'Afrique, et a figé quelques-unes de ses mémoires dans une excellente biographie tel qu'annoncé "Lionel ... une vie". Il n'a peut-être plus beaucoup de cheveux mais il a du "casse".
Maurice Nadeau est mon beau-frère qui a gagné son pain dans la représentation de diverses compagnies et qui, en même temps, a développé divers dadas dont une très forte implication dans le club optimiste de Longueuil, Il a aussi fait du théàtre et est même allé jouer en France. Comme passe-temps il a accumulé plus de mille dictionnaires chez lui. Il a aussi créé une nouvelle approche fort amusante dans la définition humoristique de notre dictionnaire d'usage quotidien que nous avons appelé déjà le "Mauz-à-mot" je crois.. Et pour moi, sa plus grande qualité c'est d'être mon beau-frère, l'époux de ma soeur chérie Thérèse (l'une des sept) qui, depuis plus de sept ans, se débat courageusement contre un malin cancer.
Jean, il y a des géants autour de nous!
Florian
Jean
RépondreSupprimerJe te récidive.
Voici l'un des jeux à envergure familiale qui avait cours en 2003 et que l'on a baptisé "Mozamo" et non "Mauz-à-mots" , comme je te l'annonçais , pour "Maurice aux mots" (ne pas lire "Maurice homo").
Si tu veux t'y entraîner, les prix sont peut-être tous distribués... ce sera pour le plaisir de tes méninges toujours si actives et qui peuvent jouir de certaines fantaisies.
Florian