25 avr. 2009

8 - Tirer les vaches à cinq ans

Assis sur ses arrières, les oreilles dressées en antenne, le regard fixé sur l’horloge, figé comme une faïence, Pitou, qui aurait pu s’appeler Pavlov, tellement il était conditionné, attend comme un fonctionnaire devant le cadran de pointage.

Dès que la grande aiguille de l’horloge déclenche la sonnerie de cinq heures, il s’élance à toute vitesse dans le champ de pacage qui s’étend derrière les bâtiments jusqu’à la première décharge. Un troupeau d’une douzaine de bêtes à cornes y broute l’herbe et le temps. Pitou a depuis des temps immémoriaux pour lui, la charge d’enfourner les vaches qui forment la majeure partie de ce troupeau dans l’enclave réservé à l’ombre de l’étable, pour la traite du soir.

Le soleil brille de tous ses feux. Une vapeur frissonnante presque imperceptible fait vibrer l’ascension des ondes de chaleur vers la haute atmosphère. J’ai cinq ans. Je porte des culottes à bavette attachées par des bouts de corde à lieuse sur de gros boutons bien apparents. Je cours pieds nus aux côtés de papa qui arpente le champ en zigzag au gré de l’allure du troupeau et des charges du chien. Il scande ses pas de cris presque chantés dans une langue rituelle : alah, alah!

Moi, j’ai aujourd’hui une raison bien particulière de participer à cette opération de la rentrée des vaches.

Dès que le troupeau de douze vaches est rassemblé, chacune trouvant à l’ombre que projette l’étable à peu près sa place coutumière, les tireurs de vaches comme des marionnettes tirées d’un carrousel déclenché aussi par l’horloge, s’amènent avec une certaine nonchalance. Il y a naturellement « peupére » qui grogne, « môman » chaussée de bottes et coiffée d’un mouchoir, qu’elle attache sous le menton, tante Lucienne ou tante Alice et peut-être un autre tireur qui s’évanouit dans l’ombre de mes souvenirs. « Pôpa » viendra un peu plus tard joindre le groupe, après avoir accompli les besognes coutumières de préparation à la traite.
Le tireur de vache, s’assoit sur son petit banc à trois pattes haut d’environ un pied, fait d’une rondelle de pruche fixée à trois bouts de branches qui ont conservé leur écorce. Il s’installe un peu en biais, vers le devant de la vache pour éviter les coups de queue qui chassent les mouches. La chaudière d’étain entre les jambes, les deux mains agrippées aux trillons(*), par des pressions saccadées et en alternance des doigts, il fait gicler le lait dans le fond de la chaudière. Le rythme maintenu trame une musique dont la tonalité change à mesure que le sceau se remplit. Des odeurs de transpiration des bêtes et des gens, mêlées à l’haleine des prés environnants au petit soir circulent librement dans l’enclos en compagnie de fragrances de fumier aux multiples essences. Pitou, couché près du bassin où après la traite les vaches viendront s’abreuver une à une, attend le moment de reprendre son service d’accompagnement.

De temps à autre, on entend, venant des tireurs, des cris ou des grognements aussi peu traduisibles que les beuglements des vaches auxquels ils font écho. Ils font partie, comme les aboiements du chien et le bourdonnement des mouches, du rite de la traite du soir. Pendant la traite, les tireurs fredonnent une chanson, s’étrivent mutuellement tout en commentant les nouvelles du jour que les sonneries du téléphone à grands et à petits coups avaient répandues à travers le rang St-Alexandre.

Quand une vache est tirée on verse le lait chaud et couvert de mousse dans la «canisse »(*) au travers d’un coton à fromage qui sert de filtre. La vache libérée va s’abreuver à l’auge et se rend lentement rejoindre le reste du troupeau dans le champ. La canisse et, par bonnes traites, les bidons qui l’accompagnent, sont descendus dans le puits pour la nuit. À moins d’un orage qui peut cailler le lait, la traite du matin doublera celle du soir et les deux seront livrées par charrettes à deux ou à quatre roues à la fromagerie, en face de la petite école, où ce lait sera transformé en cheddar .

J’étais particulièrement fébrile ce soir là. Et pour cause, le midi pôpa était arrivé avec un petit banc à tirer les vaches tout neuf et me l’avait remis. L’écorce rougeâtre de la rondelle de pruche qui servait de siège conservait au banc une senteur des bois. Le petit banc avait été fait « exprès » pour moi. Je devais l’étrenner le soir même. J’ai lu dans l’œil de mon père une certaine fierté pour cette création qui s’inscrivait dans les traditions d’initiation aux travaux de la ferme.

Bien que troisième de la famille, j’étais le premier à l’utiliser. Paul-Émile, en effet, à cause de difficultés éprouvées à la naissance n’était pas encore en mesure de traire les vaches. L’initiation des filles à la traite des vaches était plus tardive et ne portait pas le glorieux titre d’événement dont on se rappelle toute sa vie. On n’était pas sexiste à cette époque à St-Zéphirin, cependant, la traite des vaches n’était pas considérée comme une fonction féminine. Les femmes venaient à l’étable lorsque c’était nécessaire parce que les hommes étaient absents ou occupés à une besogne plus urgente. Ainsi il était normal que je commence avant Yolande, mon aînée, ma carrière de tireur de vaches.

Môman m’a présenté à Caillette, une vieille vache brune, très docile et dont les trillons étaient faciles à atteindre. J’avais pris comme naturellement la position même que mon père prenait aux côtés de la vache qu’il tirait. Môman se tenait debout derrière moi sans dire un mot.

Faire sortir du lait d’un trayon de vache ce n’est pas aussi simple que cela en a l’air. Mes premiers essais furent infructueux. Indécis et déçu je me tournai pour jeter un coup d’œil à maman. Elle n’était déjà plus là. Je réessayai seul avec une certaine frénésie. Finalement un premier puis un deuxième jet tomba timidement dans la chaudière que, comme les grands, je tenais serrée entre mes petites jambes. Puis une quatrième et une cinquième giclée. Quand j’ai eu ainsi couvert de lait le fond de ma chaudière, je me levai et allai en fière allure, verser ma première traite dans la canisse qui avait déjà reçu deux ou trois seaux de lait chaud.

Ma vache était tirée. J’avais passé l’épreuve. Ce soir on en parlerait au souper puis à la visite qui viendrait dimanche.

Ce renforcement positif, comme on dit aujourd’hui, peut-être plus imaginé que réel a nourri mon ego pendant longtemps. Ce qui m’a permis de traire soir et matin, sans trop rechigner, mon quota de vaches pas moins de 7000 en tout jusqu’à mon départ de St-Zéphirin en avril 1943.
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Un petit clic et vous en saurez plus sur le type d’agriculture pratiqué au Québec dans le rang St-Alexandre vers 1935. Et un autre vous décrira l'agriculture de subsistance vs l'industrie laitière artisanale pratiquées dans la région à la même époque.
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(*) Trillion pour trayon désignant l’extrémité du pis d’une vache. Personne n’était assez riche à St-Zéphirin pour toucher les trillions de dollars. Aucun répertoire à ma connaissance n’a repéré ce dérivé québécois de trayon.

(**) Canisse, mot qui dans notre langue parlée désignait le grand réservoir cylindrique de métal haut d’environ trois pieds et 18 pouces de diamètre muni de deux poignées et d’un couvercle qui servait surtout de contenant à lait qu’on menait à la fromagerie. Les poignées servaient aussi à y accrocher des chaînes qui permettaient de descendre la canisse dans le puits pour conserver le lait par les grandes chaleurs de l’été.
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18 avr. 2009

7- Tas de foin et tas de souvenirs

Un tas de foin est un tas de foin. Mais pour qui a vécu un été au rang St-Alexandre un tas de foin c’est plus qu’un amas de brindilles de mil coupées et mises en tas.

C'est, avant l’invasion porcine, l’odeur de l’été. Une odeur de foin coupé qui couvre toute la campagne, qui vous informe, comme un journal local, ou un cellulaire où en est rendu le voisin dans ses foins.
Faire les foins c'est le moulin à faucher dont on aiguisait patiemment les dents pendant que la rosée s’évaporait sous le soleil de dix heures.

C’est le râteau aux deux immenses roues de fer et aux grandes dents pointues que tout jeune, il fallait, en s’étirant la jambe au maximum, savoir faire lever à temps d’un coup de pédale au bout du pied pour former des andins droits. En même temps, il fallait bien tenir les cordeaux, faire attention aux roches ou aux rigoles et répéter le manège cinq ou six fois par traverse latérale du champ fraîchement fauché. Quel apprentissage? Quels souvenirs!

Et ces tas de foin servaient de fond à de multiples tableaux champêtres que les journées de juin répétaient en tonnes de copies et que notre imagination s’amuse encore à refaire tels d’immenses casse-tête.


Deux jeunes filles en équilibre sur une charge qui s’élève toujours, en robe et chapeau de paille, armées de fourche luttant contre le chargeur, cette girafe des champs qui dégobille sans arrêt les andins qu’elle dévore goulûment.

Et cette immense vailloche de foin qui tournoyant, grimpe solennellement le ciel de la grange pour partir en course folle tout en haut vers le fond de la tasserie et s’affaler sous le signal du câble magique tiré par le planteur de la grand’fourche réfugié à une extrémité sécuritaire de la
wâgine.

Et pendant que ces ascensions s’accomplissent et se répètent, encore trop faible pour planter la grand’fourche, un petit gars enveloppé de poussière se débat avec un enchevêtrement de cordeaux et de baculs. Conduire deux chevaux, ne pas emmêler les traits et les baculs, prendre assez de vitesse pour que la fourche prenne la traque,(*) les arrêter au bon endroit, décrocher le câble, faire retourner les chevaux tout en tenant les cordeaux et les baculs, démêler les ordres souvent contradictoires qui venaient du fond de la grange voilà des exploits que beaucoup d’enfants du rang St-Alexandre ont réussi dans les années 40 sans pourtant qu’ils soient inscrits aux records Guinness. Seuls les tas de foin s’en rappellent.

Et que de souvenirs chacun peut associer aux tas de foin. Je me souviens, c’était en 53, nous étions allés faire les foins à Châtillon. Pourquoi Châtillon? Une terre dont Berchmans ou papa avait acheté la coupe de foin. La charge avait monté rapidement. Papa était sur sa fière Fergusson, Berchmans sous le chargeur et nous, Carmen, Thérèse ou Claire, je ne sais trop et moi, en pantalons noirs des frères, ses acolytes faisions une savante distribution du foin sur la charrette. Les vaches meuglaient dans le champ de voir partir leur pain d’hiver.
Au retour Berchmans avait pris le volant du tracteur. La charge s’est arrêtée un moment d’éternité devant une maison du bord de la rivière. Une ravissante jeune fille, tout sourire, est venue parler à Berchmans. Du haut de la charge, enfoncés dans le foin qui sentait bon comme l’encens, nous n’avons rien entendu de cette confession. De toute façon ce n’était pas de nos affaires. La charge s’est ébranlée doucement et est repartie lentement. J’ai vu Berchmans se retourner et esquisser un de ses sourires amusés dont il avait le secret. Quelques temps après j’apprenais la publication des bancs entre Berchmans Jutras et Denise Bourassa .
Que de secrets pourraient nous raconter les tas de foin qui sont nés entre les années 40 et 60 dans le rang St-Alexandre!

On pourrait penser que notre enfance, comme celle de la plupart des garçons et filles du rang St-Alexandre a été grise et terne, qu’il n’y a rien à dire là-dessus : on faisait le train, on allait à l’école, on agaçait un peu les filles et on passait à travers l’enfance comme sans s’en apercevoir. Mes souvenirs d’enfance? un tas de foin informe dont on distingue difficilement les brindilles entremêlées qui l’ont composé.

Cependant, si au coin du feu ou dans une rencontre de retrouvailles, on tire du tas de nos souvenirs une de ces brindilles, les oreilles se dressent, plusieurs brindilles entremêlées sortent du tas, prennent la saveur et la couleur du temps passé et on n’en finit plus de se raconter les prouesses de notre bon jeune temps.

Que notre mémoire mordille une de ces brindilles comme on le fait d’une brindille de foin il s’en dégage une odeur, une saveur et des images qui refont le tissu de notre enfance..

Nous avons chacun nos tas de foin. « Mémoires à l’ultraviolet » veut réveiller ces tas de foin, ressusciter ces souvenirs de l’enfance, ces instants de rien qui nous ont marqués, qui ont tissé entre nous des liens si forts qu’il nous fait toujours plaisir de nous revoir et de revivre des moments débordants de la chaleur et de l’intensité de vie de chacune et de chacun.

Cette chronique faut-il le rappeler, est ouverte à tous. Il suffit de sortir quelques brindilles de nos souvenirs, de les formuler verbalement ou par écrit, de les faire parvenir à Florian ou Clément qui verront à les lancer sur les ondes pour qu’ils soient offerts, comme un savoureux dessert d’enfance, à tous ceux qui ont partagé cette même tranche de vie.

Non, notre enfance n’a pas été grise ni terne. Elle est toute émaillée, comme les champs du rang St-Alexandre au petit matin, de gouttes de rosée qui irradient les mille soleils aux milles couleurs de nos souvenirs
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Pour voir le diaporama de l'enfance: un clic



(*) la traque – Il s’agit ici du rail ou lisse en bois accroché au sommet du pignon de la grange sur lequel courait un chariot qui emportait au fond de la tasserie la grand-fourche chargée de foin. Si la grand-fourche ne montait pas assez vite à cause de la pesanteur du foin ou de la lenteur des chevaux qui tiraient le câble alors le chariot restait coïncé sur le rail (la traque comme on disait) et la fourchée de foin suspendue au-dessus de la wâguine. Vous me comprenez? Et le père criait et le ptit gars qui conduisait les chevaux pissait dans ses culottes!


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De Gérald Prince Supplément à 04 et 05

Gérald Prince c'est mon cousin, fils de Marie Rose Houle (soeur de ma mère) et de Robert Prince de St-Cyrille de Wendover.

Gérald a oeuvré comme journaliste à La Tribune couvrant toute la région de Drummondvile. Il se plait à fouiller les registres pour y découvrir toutes sortes "d'histoires" de nos ancêtres.

Comme complément à l'introduction à "Mémoires à l'ultraviolet" Gérald nous fait aujourd' hui trois importantes communications.




Le rang Simpson c'est Le Grand Sept de St-Cyrille de Wendover lieu de naissance et d'enfance de ma mère Yvonne et de celle de Gérald (Marie-Rose)





2- La tragédie de Pâques qui relate un événement qui eut lieu à Drummondville aux abords de la rivière St-Francois sur la voie ferrée reliant Halifax, Drummondville et Montréal.





3- Une histoire d'amour qui commence par un Life savers ou Gérald nous résume la vie de ses parents qui illustre bien la période de profondes transformations que nous avons connue.

Merci à Gérald qui se prête à vos questions sur la région de Drummondville et de Yamaska.





11 avr. 2009

6 - Dans la maisonnée d'Hormisdas

Note: Le présent texte nous introduit au coeur même des Mémoires de Flo, lisez le bien et vous comprendrez ce qui a façonné ce Flo que nous connaissons aujourd'hui. Voyez également dans la marge de gauche le lien qui vous dirigera au plan de l'enfance. Ça promet, Flo aura passé le cap des 80 ans avant de sortir de son enfance. Voir également l'appel à tous au bas de ce texte. Bonne lecture. CJ
NAISSANCE
Octobre 1929. Avant le jeudi noir, un samedi rose.

Samedi le 5 octobre 1929 j’arrivais au monde dans la maisonnée de Hormidas. J’étais le troisième enfant de Lucien et d’Yvonne. C’était un beau matin ensoleillé. De mémoire d’homme, le soleil est toujours radieux le 5 octobre.


Le baptême .
Comme c’était la coutume je fus porté le jour même à l’église pour y être baptisé.
Il y avait bien entendu, cette histoire de
limbes, lieu de brouillard réservé aux enfants morts sans baptême. On n’accordait peut-être pas beaucoup de crédit à cette explication qu’on ne connaissait que vaguement. Mais la théorie avait créé la coutume et la coutume était plus forte que le temps, que la distance, que le bon sens et on était fier de s’y conformer.

Il fallait faire baptiser le jour même de la naissance. Raison de sécurité. Il y avait danger de mort et dans ce cas, c’était signer pour l’enfant un bail à durée d’éternité dans un lieu voisin de l’enfer.

Mon baptême, une espèce d’exploit de haute voltige.
Imaginez, sans auto ni téléphone il fallait dans la journée même de la naissance, prévenir le curé, le parrain et la marraine, la porteuse, emprunter la robe blanche qui avait servi au baptême précédent, se rendre à l’église, répondre en français au nom du nouveau-né à une question posée en latin, signer les registres, payer pour les cloches, ( Un carillon de huit cloches Sol, La, Si, Do, Ré, Mi, Fa et Sol, chacune avait son prix) revenir à la maison à temps avec tout ce beau monde pour le souper après avoir fait le train. Et tout cela en moins de 12 heures.

Le rite accompli dans ses moindres replis, le sort était conjuré, je vivrais et si jamais je perdais le souffle, le diable avec sa fourche n’aurait aucune prise sur moi. J'étais baptisé. J’irais au ciel direct. J’y serais un ange au service du Bon Dieu.

Ma mère n’est pas venue au baptême et n’a même pas pris part au souper de fête qui a suivi la cérémonie. Ça ne se faisait pas. Elle devait se reposer au lit pratiquement une semaine. Souvent une voisine assurait «l’ordinaire ». Dans mon cas, comme j’avais choisi de naître un samedi, il y avait déjà trois tantes expérimentées à la maison qui pouvaient assurer l’intérim.

Maman est demeurée au lit avec moi. Elle m’a nourri au sein pendant deux ou trois jours. Puis l’initiation à la bouteille de lait qu’on faisait chauffer dans l’eau tiédie de la bouilloire encastrée au bout du poêle se faisait grâce à une suce trempée dans la mélasse. Pas surprenant que nous soyons tous des becs sucrés.

Comme c’était la coutume aussi, j’héritai de l’oncle Alcide et de tante Élisabeth comme parrain et marraine. En effet l’aîné Paul-Émile, comme il se devait, avait accordé les honneurs aux arrières grands-parents vivants, Joseph et Mathilde Houle. Yolande, la deuxième hérita de ses grands-parents maternels Adélard et Odélie Houle.

Hormidas mon grand-père paternel étant veuf, il passait son tour. Si le troisième enfant était un mâle il fallait aller piger dans la famille paternelle et normalement choisir l’aîné ce qui fut fait pour moi. Autrement, une fille aurait normalement cueilli son parrain et sa marraine dans le champ de la lignée maternelle.


Alcide était l’aîné de la famille de mon père et notre voisin. Il occupait la deuxième maison du rang. Ce jour-là il devint mon parrain à vie. Je le revois encore la pipe croche sur le côté gauche de la bouche, activant le feu de la forge ou martelant avec adresse un fer rougi.

Tante Élisabeth sa femme se rappelait toujours de ma fête. Elle m’invitait alors chez elle. Je pouvais jouer avec mes cousins et cousines du même âge et j’avais droit à une collation arrosée d’un jus de pot à confitures.

Bardé de titres, Joseph, Florian, Gilles Jutras, chrétien, catholique, fils de Dieu et de l’Église, certifié de trois signatures dans les registres,(celles du parrain, de la marraine et du prêtre officiant - jamais on ne voit dans les registres la signature du père de l'enfant) j’entrai occuper de plein droit le nid qui m’avait reçu le même matin. Je l’occuperai jusqu’au 23 avril 1943 soit environ 13 ans et sept mois après y être entré.

Il faut que je vous présente ce nid d’amour et la nichée qu’il abritait.

La maison paternelle Hormidas
Ce nid, une maison de bois construite en 1854 par mon arrière-grand-père, Joseph Jutras, refaite par Hormidas en 1905. Elle était toute jolie quand elle m’a reçu sous son toit grisâtre en bardeaux de cèdre, sa cheminée de briques rouges, son déclin crème découpé par les encoignures et têtes de fenêtre brun-chocolat.

Une galerie couverte courait sur toute sa façade. Des jalousies vertes complétaient la décoration de chaque côté des fenêtres et conservaient la fraîcheur à la grande maison, l’été.

Ce nid a abrité sur une période d’environ quatre-vingts ans quatre générations de Jutras celles de Joseph, d’Hormidas, de Lucien et de Berchmans en tout près de trente Jutras de naissance ou d’alliance.

Par les soins de Berchmans la maison Hormidas a été déclarée monument historique et transportée en septembre 1978 au Village d’Antan à Drummondville où elle est connue sous le faux nom de Maison de l’Apothicaire Jutras.

Quelle ironie, pour ne pas dire quelle profanation ! Notre maison n’avait pour loger ses remèdes, sous l’escalier qu’une toute petite armoire. À ma connaissance, on n’y a rangé aucun médicament sauf le Liniment Ménard rouge qui devait guérir tous les bobos, de l’huile de foie de morue pour renforcer les enfants en hiver et du Sirop Lambert servi à la petite cuillerée quand on avait fait la preuve qu’on toussait assez pour le mériter.

Tel est le nid qui m’accueillit le 5 octobre 1929, je l’ai habité pendant plus de treize ans et il m’habite encore, estampillant ma mémoire de ses plus beaux souvenirs.

Calibrés à la même affection les bâtiments attenants étaient partie intégrante du nid, les lieux de nos premières découvertes, les arènes de nos ébats extramuros.

La Maison Hormidas était une maison hantée par les maisonnées successives qui l’ont occupée. Pour peu que vous tendiez l’oreille, elle résonne toujours de rires et de pleurs, de timbres de voix familiers, colorés à la personnalité de chacune et de chacun. Lieu des jeux de notre enfance même adulte, université de nos savoirs, temple de nos prières, atelier de nos travaux, forge qui a façonné nos êtres et nos destins. Une maison vit de ses maisonnées et aussi des souvenirs qu’elles y ont créés.

Pour une visite guidée de la maison et des bâtiments d’Hormidas, cliquez ici.

La maisonnée
Plus que la maison, c’est la maisonnée qui fait le nid. À ma naissance, « mon » nid était occupé par huit personnes qui gravitaient autour de grand-père.


Grand-père Hormidas, né le 11 août 1867* avait épousé Éloïse Courchesne le 23 août 1892, Quand je suis arrivé dans la famille Hormidas était veuf, Éloïse étant décédée le 29 mai 1912 en donnant naissance à Félicien qui mourut le même jour. La famille d’Hormidas comptait 12 enfants dont neuf parvinrent à la maturité.

Le soir, après le souper, la pipe en bouche et le crachoir pas loin grand-père Hormidas s’assoyait au bout du poêle dans sa berçante équarrie à la hache et au fond de babiche qu’il avait lui-même tressé. Là on s’amusait à se faire prendre à tour de rôle, à lui monter sur les genoux, sur les épaules, et parfois même sur la tête.

Habile cordonnier, par les jours de pluie ou en hiver surtout, il installait son étau fait de deux douves de baril à sa place favorite dans la cuisine, au bout du poêle. Retenues entre les mâchoires de cet outil de fabrication domestique, les pièces de cuir, traits, brides, colliers étaient ajustées, percées à l’alène, et cousues au ligneul enduit de goudron et d’alun.

Avec « peupére » j’ai couvert en bardeaux de cèdre le hangar (on disait la shed) jouxtant la maison. La compagnie de grand-père dans la tâche, la confiance qu’il m’accordait en m’associant à ce travail qui dura plusieurs jours ont gravé en moi un souvenir qui a entretenu un bon niveau de confiance en moi.

Grand-père est décédé à l’âge de 77 ans le 28 décembre 1944 alors que j’étais déjà parti de la maison.

Pour une présentation plus complète de la maisonnée d'Hormisdas allez voir à l'Album Maisonnée d'Hormisdas .


Puis naturellement il y avait papa, Lucien, le dernier des trois garçons de la famille. Au mois de juillet 1925 il avait épousé Yvonne Houle, l’aînée d’Adélard et d’Odélie qui demeuraient dans le rang 7 de St-Cyrille de Wendover sur une ferme qu’ils occupèrent jusqu’en 1936 et sur laquelle ils élevèrent leurs 11 enfants.

Papa était un patenteux célèbre. Il était fier de ses enfants et attentif à leurs plaisirs. Il sera omniprésent sur les scènes de mon enfance. On en reparlera.


Maman avait été cueillie par papa lors d’une soirée de danse tenue chez Hélas Houle, son oncle qui exploitait l’une des dernières terres du rang St-Alexandre.

Depuis ce coup de foudre, on voyait souvent arriver le vendredi soir après la classe, à l’école du rang Sept où maman enseignait, le bogey tiré par la jument grise que papa menait fièrement.
Le sept juillet 1925 il y eut grandes noces dans le rang Sept.

Maman en plus de bien connaître ses lettres et d’écrire plus que convenablement avait le don de tout faire dans la maison. Elle voyait à tout, prévoyait tout, faisait tout sans jamais avoir l’air ni de s’ennuyer, ni de s’affairer, ni d’être fatiguée.

Lucien et Yvonne eurent 15 enfants, dont un seul Jean-Guy, mourut en bas âge. Tous sont nés dans la maison d'Hormidas.

Il y avait aussi les trois dernières filles de Hormidas, Lucienne, Alice et Anysie. Les trois étaient aussi, avant leur mariage, maîtresses d’école dans les environs.

Tante Anysie, dernière de la famille, fut la première des trois à quitter la maison paternelle en 1931 Elle épousa un cultivateur du village Albert Lemaire. Ils eurent dix enfants dont deux devinrent prêtres du diocèse de Nicolet et une religieuse chez les Petites sœurs de la Sainte-Famille.

Tante Alice se maria en février 1938 et tante Lucienne en juillet de la même année. Alice épousa Émile Marcotte un cultivateur, creuseur de puits qui habitait le rang St-Pierre de St-Zéphirin. « Matante » Lucienne épousa Roméo Lupien, cultivateur aussi, qui occupait la dernière maison du rang St-Louis de Ste Brigitte. Alice eut deux enfants et Lucienne quatre.

Ces trois tantes, du même âge que maman, formaient un dynamique quatuor qui rendit mon nid de duvet rayonnant de gaîté et de bonheur.

Et puis il y avait Paul-Émile mon aîné qui m’avait précédé de trois ans et Yolande qui n’avait que 13 mois d’avance sur moi. Nous les connaîtrons en cours de mémoire.

Toutes ces personnes présentes à mon entrée sur scène et toutes celles qui s’y sont ajoutées forment dans mes souvenirs une joyeuse farandole qui mime en cortège les événements qui ont marqué mon enfance. Je vais tâcher d’en raconter quelques-uns avec toute la spontanéité, et aussi la chaleur des émotions qui les ont générés.
Petite enfance
Me voici à la fin de mon premier jour dans l’univers de St-Zéphirin de Courval. Je me replie dans la confortable habitude du fœtus, j’ouvre les yeux vers mes intérieurs, une lumière diaphane s’y diffuse, des harmonies ambiantes me bercent dans la souplesse de leurs longs bras, je respire la douce atmosphère de la paix, je dors.

Je dormirai ainsi pendant cinq ans. Sans pression aucune, comme une éponge, je fais le plein des bonheurs sans étiquette, des harmonies non inscrites sur des portées, des chaleureuses présences sans commande, des mots d’amour sans leur écriture, des regards qui emmagasinent la lumière avant d’en colorer les personnes et les objets environnants.

Quelques événements qu’on m’a rapportés plus tard viendront titiller mon épiderme pendant ma petite enfance mais moi je les aurai effacés de ma mémoire après les avoir enfouis dans l'incubateur où se forment les attitudes de base en service toute la vie durant.

Ainsi, poursuivant seul à la dérobée l’exploration de « mes » domaines j’aurais, vers l’âge de trois ans, failli me noyer probablement en voulant saisir quelque bibitte qui patinait sur les eaux du bassin profond de deux pieds, abreuvoir des vaches en pacage.

Avec mes grandes boucles blondes j’aurais tourné comme un joyeux carrousel devant mes tantes et la visite qui prenaient plaisir à rire de mes facéties d’apprenti clown.

Je me revois aussi, seul sur un banc de neige jouant avec la gravité. C’était, m’a-t-on précisé à l’école du rang de Ste Geneviève où tante Lucienne m’avait amené passer une semaine avec elle.

En visite chez tante Evelina je me serais égaré sur la rue Clark. C’est un policier qui me ramena en larmes chez ma tante avant qu'on ne s'aperçoive de ma disparition.

Je ne puis honnêtement me rappeler d’aucun événement qui avant cinq ans m’aurait marqué d’une précocité prédestinée. C’est normal, toutes les empreintes laissées dans le cerveau pendant la petite enfance sont systématiquement effacées de la mémoire, C’est ainsi. « Et Dieu vit que cela était bon » , Pourquoi ?

Je me plais à me représenter la petite enfance comme un réservoir extensible qui au gré des émotions ressenties se gonfle d’attitudes diverses. La tâche principale de la vie à cet âge n’est pas de poser des jalons, ni de dresser les balises, ni de créer des bonnes habitudes mais bien de remplir ce réservoir d’attitudes fondamentales qui marqueront comme un ADN chacune des cellules greffées sur nos temps de vie. Pour emprunter une image plus moderne, c'est à ce moment que s’installe le logiciel aux multiples avenues qui déterminera les formes et les couleurs de l’écriture de notre vie. L’attitude, une énergie polymorphe faite d’émotions plus que de raison. Ces émotions bien entassées sans nom et sans ordre dans le moi profond forment comme un chaos originel source de plus de génies et d’univers que les plans rigoureusement tracés par la raison.

Mon nid chez Hormidas, une génératrice d’attitudes qui comme une terre fertile produira en son temps ses bourgeons qui fleuriront tous les parcours de mon existence.
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(*) On a toujours dans la famille célébré l'aniversaire de naissance de grand-père Hormisdas le 11 avril bien que l'extrait de naissance relevé par Lionel Morin se lise comme suit:

Le douze août mil huit cent soixante-sept nous soussigné prêtre curé avons baptisé Napoléon Hormidas né la veille du légitime mariage de Joseph Jutras cultivateur et de Marie Dionne de cette paroisse.

Parrain Fernand Cloutier marraine Émilie Courchesne qui n'ont su signé. (sic)L. Trahan ptre curé.

Qui dit vrai? Appel à tous pour vérifier l'extrait de naissance de Hormisdas. Peut-être serait-il faux! Alors nous ne serions pas nés, nous n'aurions qu'une existence virtuelle. Situation dramatique. Be or not to be! Qui nous délivrera?

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Journal de bord d’un nouveau-né

Traversée sans histoire
Au pays des vivants
Arrivée sans encombres dans un cocon
D’embryon à cocon, une promotion !

Lumière diaphane tamisée de blancheur
Tonalités modulées qui me cajolent
Porté par des ondes d’affection
Sur la mer d’un temps nouveau

Ma résolution
Je me ferai éponge
Pour en absorber toutes les énergies
Antenne
Pour en capter toutes les sonorités
Miroir
Pour m’habiller de ses couleurs
Cœur
Pour me gonfler de ses tendresses

Et quand je serai devenu grand
Je veux
Sillonner moi-même la mer de mon temps
Filtrer ses ondes
Refléter ses couleurs sur mon entourage
Envelopper choses et gens de mes affections
Amen.

Appel à tous : Lionel Morin avait calculé la descendance d'Hormidas Jutras à 602 personnes au 6 octobre 1999. Nous désirons compléter ce nombre en y ajoutant toutes les naissances depuis cette date. Pour ce faire nous aurions besoin d'un volontaire dans chacune des 9 familles concernées. Plus de détails sur ce lien.

Pour voir le diaporama de l'introduction- la NAISSANCE - un clic

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4 avr. 2009

5 - À St-Zéphirin de Courval

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Clément clmntjut@videotron.ca

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0-4 St-Zéphirin de Courval
Une oasis dans la tourmente
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Le papa, Louis-Pierre Poulin de Courval Cressé, Seigneur de Nicolet, avait joué du coude en faveur de son fils. C’est ainsi que « l’une des dernières seigneuries concédées sous le régime français», la seigneurie de Courval, située au sud de Baie-du-Febvre, contiguë à la seigneurie de Nicolet fut accordée en 1754 à son fils Louis-Pierre.

La tradition du temps s’applique. En 1764 le père Seigneur de Nicolet accorde à son fils les droits banaux à la condition qu’il construise un moulin à farine et lui verse bon an mal an le quart de ses revenus. Le 29 juin de la même année, le fils meurt à l’âge de 36 ans. Sa femme, Charlotte-Louise Lambert Dumont vient s’installer à Nicolet, fonde le manoir seigneurial et y élève ses enfants.

Pierre-Michel Cressé, fils de Louis-Pierre, hérite de son grand-père les deux-tiers de la seigneurie de Nicolet. Il est le premier seigneur à y résider en 100 ans. Il remet en vigueur les droits seigneuriaux alors tombés en désuétude.

Le régime seigneurial sera maintenu au Québec jusqu’en 1854. Il laisse sur le territoire de la seigneurie de Courval, comme dans beaucoup de régions du Québec, la configuration géographique encore présente, le partage du territoire en lots rectangulaires d’environ trois arpents sur vingt ou trente qui forment des unités nommées rangs. Ainsi le voisinage est favorisé par cette division de même que l’accès d’un plus grand nombre d’habitants aux cours d’eau utilisés couramment comme voie de communication. Les droits seigneuriaux sont partie intégrante des terrains concédés par le seigneur.
Le contrat de vente d'un terrain dans le rang St-Alexandre en 1902 entre Ludger Lahaie et Hormisdas Jutras fait mention d'une rente seigneuriale à la charge de l'acquéreur.

Différent, le système anglais divise le territoire en cantons. townships » et en lots plutôt carrés. Il sera appliqué après la conquête aux territoires non cadastrés, propriétés de la couronne et après 1844 les cantons remplaceront les seigneuries. Les censitaires de ces seigneuries auront alors le droit racheter les terres qu’ils occupent et cultivent depuis longtemps. La division en comtés nous vient aussi du système anglais.

Le Township est un mode de tenure et de division des terres rurales instauré par le gouvernement britannique à la fin du XVIIIe siècle, il est en quelque sorte le pendant de la seigneurie. Les cantons (Township), 9 milles de front et 12 milles de profondeur, comptent 336 lots de 200 acres. Il n’y a pas de redevances ou de devoirs attachés à la propriété de ces terres. Un canton peut être divisé en municipalités.
Ainsi, le canton de Wendover qui jouxte la seigneurie de Courval au sud d'icelle pour s'exprimer comme à l'époque, inclut les municipalités-paroisses de St-Cyrille de Wendover, St-Charles, une partie de St-Joachin peut-être St-Lucien etc...et naturellement la ville de Drummondville.

On comprend ainsi pourquoi la paroisse canonique de St-Zéphirin a été érigée (1828) avant la municipalité du même nom (1855). Dans le régime seigneurial le service religieux est une obligation du seigneur qui le concède souvent à l’évêque du lieu.

Le rang est d’origine seigneurial alors que la municipalité est une organisation dérivée du régime britannique des « townships ». Le rang St-Alexandre existait avant la municipalité de St-Zéphirin de Courval et peut-être et probablement avant la Seigneurie de Courval.

En 1800 puis en 1823 des résidents de la seigneurie, avec l’assentiment du seigneur demandent à l’évêque de Québec d’ériger une portion de la seigneurie en paroisse sous le vocable de Ste-Geneviève de Courval. L’archevêché refuse et c’est finalement Mgr Panet successeur de Mgr Plessis qui, le 10 mai 1828, érigera une portion de 7 km carrés en paroisse sous le nom de Saint-Zéphirin-de-Courval, pape et martyr .




C’est d’abord par son église que St-Zéphirin devint une unité autonome de la seigneurie de Courval.
Il faut plutôt parler « des » églises de St-Zéphirin. Il y en eut cinq qui se sont succédé sur le même emplacement. Voyons leur histoire.

Ce n’est qu’en 1845 lors de l’érection de sa première église que la paroisse connaîtra son premier prêtre résidant.

Cette église ne suffisant plus, une seconde église est inaugurée en 1874. En moins de 25 ans elle s’enfonce dans le sol argileux. Elle est condamnée en 1900 et remplacée en 1906 par la troisième qui subira le même sort.

En 1952 on rebâtit la quatrième. D’importants piliers semblent pouvoir remédier au problème du sol glaiseux. Pas de chance cette quatrième église prend feu avant son inauguration le 7 août 1952. La cinquième église toujours debout sera inaugurée le 7 septembre 1956.


En 1984 suite à une réorganisation des cures et du service de pastoral la paroisse perd son curé résident. Le presbytère qui avait une allure de manoir qui servait d'hôtel aux prêtres de service lors des quarante-heures, est vendu et conserve son titre de monument historique. On restaure l’église pour y aménager des locaux pour un prêtre desservant. La paroisse compte alors 823 habitants. Nombre qui sera maintenu à la recension de 2006.

De 1828 à 2006 à la paroisse de St-Zéphirin on a enregistré 7979 baptêmes, 1439 mariages, 3528 sépultures .

La population de St-Zéphirin qui a atteint son apogée en 1923 avec 1243 habitants, s’est maintenue depuis les années 50 en deçà de 1000 habitants dont 90% sont des agriculteurs répartis sur 233 fermes ce qui n’a guère changé.

Les rangs qui forment la municipalité de St-Zéphirin sont :
1- Le rang St-Pierre situé sur la route 255 qui relie St-Cyrille de Wendover à la Baie qui forme l’axe proncipal du village .
2- Le rang St-Alexandre qui comprend vingt-et-une fermes
3- Le rang Ste-Geneviève au nord du rang St-Alexandre
4- Le rang St-François qui borde la rivière St-François entre le rang St-Pierre et le rang St-Alexandre
5- Le rang St-Michel situé à l’ouest du rang St-Pierre .

Jusqu’en 1950 on y pratiquait surtout une agriculture de subsistance y produisant à peu près tout le nécessaire pour y faire vivre une famille de 12 enfants en moyenne . Cependant la production du lait transformé en beurre ou en fromage (le cheddar dont les anglais seront si friands) sera dès 1886 la base d'une industrie laitière florissante qui prendra son envol après la deuxième guerre mondiale. La vente du fromage produit à la fromagerie du rang donnait aux cultivateurs un revenu en espèces qui leur permettait d'acheter au magasin général ou des "peddlers" itinérants des denrées qu'ils ne pouvaient produire.

Sirop Lambert
Et toussons un peu, la renommée de St-Zéphirin vient aussi du Docteur Joseph Olivier Lambert de St-Zéphirin de Courval inventeur en 1886 du fameux sirop Lambert qui a adouci les irritations de nos gorges d’enfants.

St-Zéphirin mes amours

St-Zéphirin, un nom qui autrefois me faisait un peu honte.

Dire qu'on venait de St-Zéphirin c'était afficher sa condition "d'habitant" (peu civilisé) originaire d'une région reculée pour ne pas dire sauvage du Québec. La dernière lettre de l’alphabet, le dernier des villages du Québec, à la queue de tous. Ça voulait dire dans ma tête venir de nulle part. Un nom qui ne figure même pas sur plusieurs cartes routières du Québec.

Après l'avoir quitté j'ai compris que St-Zéphirin rimait avec « écrin ». Cet écrin de verdure, enveloppe de mon enfance, oasis de fraîcheur protégée des vents de violence qui portaient tout autour des germes de famine et de misère.
Depuis lors il est toujours doux à mes lèvres, évocateur à ma mémoire et rayonnant d’une mystique qui étonne et qui donne l'envie d'en entendre parler. J'en suis fier! Je ne voudrais pas l'échanger même pas pour St-Élie-de-Claxton.

Et au cœur de cette oasis, dans le rang St-Alexandre, à la troisième maison du rang, la maisonnée du paternel Hormisdas m’attendait. Un petit nid de duvet qui allait tenir ma vie et mes souvenirs bien chauds pour plus de quatre-vingts ans.
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Note: Grâce à la précieuse collaboration de Paul Leclerc la présente publication s'est enrichie des données susivantes qui sont tirées "Album souvenir du cent cinquantième anniversaire - 1835 --1985 / St-Zéphirin de Courval.
Un clic vous ouvrira une vue aérienne du centre du village, l'explication des armoiries de la paroisse, une photo du village de St-Zéphirin, du rang St-Alexandre, de l'église et du cimetière de la paroisse.
Un clic vous fera revivre l'histoire de St-Zéphirin. Ceci grâce à la précieuse collaboration de mon cousin Gérald Prince.



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